jeudi 3 juin 2010

Consécration et humilité

Depuis 2007, je fais ce qu'il doit être fait pour me mettre en lice pour l'obtention du Prix France Québec pour les Professionnels en Métiers d'art. Mon premier projet, avec Jérôme Galvin ( http://www.jeromegalvin.com/) , qu'on a présenté deux années consécutives, a échoué à émouvoir le jury. La troisième année, un projet merdique, qui n'avait que le mérite d'être facilement flushable.

Je vous dis aussi que dans ce prix il y a le volet pour la relève, basé naturellement sur l'âge de l'artisan et pas le nombre d'années de pratique. Ce qui a fait de moi, dès mon entrée dans le monde des métiers d'art, une paria, une vieille jeune, inéligible. Je me retrouvais donc à me mesurer à des vrais pros, rodés, béton, qui me clanchaient. Claro que si. Ben correct. En plus, il y avait la loi implicite selon laquelle les gagnants des deux catégories ne peuvent pas faire partie de la même famille de métiers. Les trois années passées, mes collègues Marko Savard, puis Mathieu Huck, puis Maude Blais ( Félicitations sincères) ont obtenu le prix Relève.


Il me semble honnête de dire que je me sentais comme si j'étais sur une liste noire invisible. Pas parano, mais un peu lucide, un peu désabusée, et c'est un peu égotiste de penser que je ne pouvais pas pas pouvoir. Bon, participer à un jeu pareil comporte ses aléas, le jury, la compétition. Et il n'y a qu'un gagnant pour une foule de losers déçus. A force de se motiver on finit par y croire. Et après, c'est comme un ballon auquel on a oublié de faire un noeud, dès qu'on le lâche, il se dégonfle. En tournoyant et pétaradant dans l'espace. C'est moi ça aussi.



Cette année, la remise du dossier était le 28 février. Ce matin là, je me décide à tenter une ultime fois. J'avais discuté avec un céramiste français vachement sympa, sur la réalisation de gros formats de sculptures. C'est donc cela que je présente. Mon ordi me lâche pendant la rédaction. Mon kodak me lâche pendant la prise de quelques photos supplémentaires, il neige, c'est vraiment pas le jour pour se garrocher en ville. Ben, je vous dirai que quand votre numéro sort, rien n'arrêtera la marche du destin. Mon cousin Laurent, vachement cool et ami des bêtes cybertiques, arrive , me règle tout, devient mon chauffeur, m'amène à l'imprimerie, puis à la SODEC, juste à temps.


Je n'y crois plus, je suis finie, je suis perdue. Passe passe le temps, j'oublie cette affaire. Je m'occupe de mon encan ( je fus présidente d'honneur et meneuse de claques pour le 4eme encan de la Fondation du Musée des Maîtres et Artisans du Québec). La veille de cette soirée mémorable, vla ti pas que Martin Thivierge de la SODEC, véritable apôtre de notre cause professionnelle auprès des grands, ( il est tellement gentil et doit sans doute faire affaire avec de sacrés poulets, dont moi), me téléphone pour me causer de l'encan et finalement cracher le morceau:
Bravo . Vous êtes récipiendaire du Prix France- Québec.





Je vous cite un extrait de la lettre de la ministre de la culture Christine St-Pierre:



" La qualité de vos créations et l'originalité de votre démarche artistique, la constance et la persévérance manifestées dans vos recherches formelles, l'intérêt des collaborations que vous avez su établir avec des céramistes français de renom et l'impact que ces échanges ont sur l'ensemble de communauté des céramistes québécois, vous ont mérité l'adhésion enthousiaste des membres du jury."






Ben voilà. Y'avait pas de quoi faire un flan. Merci la vie et ceux qui en décident.

Michelle, ma belle



Il y a longtemps que je ne vous ai pas tenu au courant de mes dix mille projets. Depuis Dorothy, on a eu à la galerie Michelle Mendlowitz, (http://www.michellemendlowitz.com/), qui a fait un malheur et le bonheur d'une traulée de clients. Son travail est bien fait, élégant, un peu 70's mais c'est le retour du balancier.
Elle est toute jeune et le corpus de son oeuvre est élégamment solide et cohérent. Elle travaille principalement les plaques d'argile qu'elle assemble en formes qu'on aurait pu tourner , toutefois sans obtenir les lignes définies, qu'elle exploite à sa plus belle exponence. Les 9 ou dix émaux qui revêtent le tesson des pièces racontent une histoire de paysage, avec une profondeur et une fluidité toutes particulières. Elle cuit notamment les pieces murales sur les boulettes de terres pour les surélever et permettent la formation de gouttes de verre fondu. Les verts brillants et vibrants côtoient les vert céladon satiné, les bleus sarcelle mat, du vermeil en touches précises, un noir si noir , du blanc bleuté vachement coulant, bref, un travail de ouf!
L'objet de prédilection: tout pour me plaire, des bouteilles et des grosses formes avec goulots rajoutés, des formes simples mais mises en avant par une approche, quasi “70's”. On aurait remplacé ses émaux de couleurs vives par des oranges et des bruns picotés, et voilà ! la poterie des années d'artisanat fastes, qui ont bien failli mettre la céramique au banc des accusés de mauvais goût. Mais une bonne idée reste bonne même avec les années, et il ne s'agit que de réfléchir à l'esthétisme intemporel pour comprendre ce que Mendlowitz a compris. Elle rafle les prix partout où elle va, elle se fait remarquer par son manque de flagornerie sur le marché de la consommation maximale d'objet à la ligne minimale aux prix exorbitants. Et oui, curieusement, les prix de ses poteries sont tellement raisonnables, qu'on se sent coupable de ne pas en prendre. Et de quoi faire rougir de honte et de gloutonnerie les artistes locaux qui ne prennent pas de risques, tout en ayant leur temps et leur création en haute estime. Le commentaire peut m'aller aussi, si l'envie vous prend de me châtier.